Live Magazine est un journal « vivant » Sur scène et sans captation, où se succèdent des journalistes et des auteur(e)s qui racontent des histoires en images, en sons, en mots, en dessins (et juste aussi sans rien). Il y a des rubriques et des pages qui se tournent sans transition comme dans un « vrai » magazine. Sauf que c’est un moment partagé collectivement, une expérience autour du récit. Ce n’est pas anodin – les paires d’yeux en face de soi – mais ça renvoie aussi beaucoup de chaleur, ce public en chair et en os… et n’avons pas encore rencontré d’auteur(e) qui ait regretté de monter sur scène. Nous faisons vraiment ça pour l’amour du journalisme, du récit, et du décloisonnement des répertoires (presse, documentaire, littérature, photographie, data, recherche, performance).  C’est un espace de liberté et de subjectivité, et, en même temps, d’exigence narrative, de précision nuancée dans le compte-rendu du réel. Le programme n’est pas annoncé à l’avance. La soirée est unique, l’instant prime, nous essayons de faire surgir l’émotion, tout en établissant des faits. 

« Le reportage c’est l’art de voir la mer dans une goutte d’eau. »

Une définition, du patron de presse et dissident polonais Adam Michnik, qui nous plaît : notre métier, c’est d’être une loupe, c’est de faire entrer des gouttes de réel – des faits, donc – dans un théâtre. On les éclaire, on les habille, ces faits. On les met sur leur 31, on leur coupe un peu les cheveux, parce que c’est “show time”. Mais c’est tout. Alors oui, nous manquons totalement d’imagination. Face au réel qui en a tant, nous déroulons juste le tapis rouge. Ah si, quand même, nous passons un temps dingue à chercher des gens qui cherchent la mer dans des gouttes d’eau. Les récits sont tous « vrais », c’est-à-dire factuels, et en grande majorité tirés de reportages conduits par ceux qui montent sur scène, qui doivent être les seuls à pouvoir porter cette histoire particulière. Ce sont des professionnels de la non-fiction, comme nous.

100 % inédit, 99% vrai

Chaque récit (une douzaine maximum par édition) est soigneusement édité et fact-checké. La plupart sont inédits (mais pas toujours) et durent entre 6 et 10 minutes (4500 à 6 000 signes.) Il peut s’agir d’un projet en cours, d’un projet au contraire totalement abandonné, ou d’une création originale pour Live Magazine. Comme il n’y a en principe aucune captation de la soirée, rien n’empêche de publier ou diffuser le récit sous une autre forme, après le spectacle. Les journalistes gardent les droits de leur histoire, de leurs images et de leurs sons et ne cédant que ceux qui sont liés à la performance scénique. Il ne s’agit pas d’un exercice d’éloquence, ceux et celles qui montent sur la scène de Live Magazine peuvent lire intégralement leur texte, ou garder des notes à la main. Ou avoir un petit pense-bête. L’idéal est de connaître le texte par cœur. Mais tout dépend. Quand ça coince – trop tremblotant, trop raide, trop joué – une séance avec un comédien permet de maîtriser la prise de parole en public. 

Tout le monde a un trac de dingue

À commencer par nous. Il peut arriver que nous programmions des récits de vie ou des témoignages d’anonymes, d’experts ou de célébrités (le premier ministre Édouard Philippe) mais c’est exceptionnel. Chaque histoire comprend des éléments à la première personne, mais nous tenons à rester dans un registre proche du documentaire ou de l’enquête. Le spectacle intègre régulièrement des performances artistiques ou expérimentales – à la condition expresses qu’elles soient solidement arrimées au réel. 

L’amour du public

C’est l’un des principaux bénéfices de Live Magazine (standing ovation !), mais pas le seul : les participants sont remboursés de tous leurs frais (transports, hébergement et production le cas échéant) et perçoivent une rémunération – sous forme de cachet s’ils sont artistes, de droits d’auteurs s’ils sont auteurs ou journalistes, voire d’honoraires. Nous sommes engagés pour la défense du droit des créateurs (nous avons des partenariats avec la Scam et la Sacem) et avons longtemps travaillés nous-mêmes comme auteurs, intermittents et pigistes. Nous nous rêvons en Robin des Bois du journalisme…. ça ne marche pas toujours. 

Live Magazine aime les histoires

Jamais d’exposé ! Des histoires donc avec des personnages, une action, un narrateur. Un début, un milieu et une fin. Mais surtout une fin. C’est Andrew Stanton de Pixar qui en parle le mieux : « Raconter des histoires, c’est comme raconter des blagues. Il faut connaître la chute. Tout, de la première phrase à la dernière phrase, doit être tendu vers cet objectif unique, qui, dans l’idéal, illuminera la condition humaine.» Certes, il nous arrive de ne pas “illuminer la condition humaine” mais chaque récit, même léger, fait cogiter. Il est très important de poser des scènes, de décrire des lieux, des ambiances, des états d’âmes, de donner des détails…Il nous arrive aussi de casser cette structure narrative avec des « brèves » sans personnages, ni action, ni début, ni fin –  par exemple, une carte, une data, une photo, une liste. L’artiste Clémentine Mélois a conçu un récit hilarant sur sa collection de listes de courses, l’auteur Jean-Baptiste Alméras a présenté un montage de l’intégralité des commentaires sur ses bulletins scolaires, le journaliste Adrien Gingold a partagé ses « unes » incongrues de journaux.  

Des récits « augmentés »

L’idée est d’expérimenter, de repousser les limites de la narration pour de trouver une forme adaptée à la scène et au direct. Les récits peuvent être racontés « à voix nue », mais aussi intégrer des photos, du son, des vidéos, du dessin, du chant (récemment à Londres, La Mélodie de la crise, sur le crash financier de 2008, avec les cours de bourses « vocalisés » par la soprano Emilie Tack). Voire même du mime, de la danse et du théâtre d’ombre (nous avons fait monter sur scène Ombromane, qui a fait vivre avec ses mains les visages de tous les présidents de la 5e,République, sur des extraits sonores de discours emblématiques. C’était génial). Nous avons également imaginé des dispositifs qui exigent une participation du public: John Burn Murdoch, data-journaliste au Financial Times, a transformé le public en pixels, par exemple. Cela dit, l’interactivité n’est pas notre fort (notre priorité est d’embarquer le public). Cela ne nous empêche pas d’essayer, toujours et notre rêve de est de proposer une histoire « en goût », avec une expérience olfactive ou gustative. Dernière chose, fondamentale : il y a toujours de la musique live, au Live. Le groupe bruxellois Les Garçons – basse, guitare, batterie, claviers – compose des mélodies et des ambiances sonores pour chaque intermède. Récemment nous avons travaillé avec une formation réduite d’Arat Kilo, groupe d’éthio-jazz associé à Zeid Hamdan, une star de la nuit beyrouthine, quand elle existait encore.

Le réel nous fascine, parce que le réel est dingue

Et ça ne date pas d’hier : « Of course truth is stranger than fiction » affirme Mark Twain de retour d’un tour du monde, en 1897. Il ajoute : « La différence entre la fiction et la réalité, c’est que la fiction doit être crédible. Pas le réel. » Incredible. Sciences, politique, société, business, sports, art, numérique, environnement, design, agriculture, musique…tout nous intéresse. Si l’histoire est fondamentale pour celui qui la raconte, elle sera, en principe, mémorable pour celui qui l’écoute. Notre thème c’est pas de thème, donc. et notre règle c’est pas de règle. Mais nous avons (quand même) fini par développer une (petite) expertise, en 7 ans et la production de 489 histoires.

 

Nous aimons :

 

Des histoires bien racontées. Anglées. Structurées. Et qui posent des scènes visuellement. “Quand j’étais jeune journaliste, je croyais que les histoires étaient ce qui se passaient. Puis je suis devenue scénariste, et je me suis rendue compte que nous créons des histoires en plaquant une structure narrative sur les événements qui se sont déroulés autour de nous. C’est Nora Ephron (Quand Harry rencontre Sally) qui le dit.

Nous aimons les histoires qui « n’assènent rien mais qui démontrent tout ». (C’est plus percutant en anglais : « Show Don’t Tell »). Et ce par des actions, des scènes. Par exemple, Thomas Fourquet, qui a fait le portrait d’André the Giant, – star de catch de 2m40 à l’origine de la figure de street art Obey, désormais dans le bureau de Macron à l’Elysée –  ne dit pas « André était grand » mais « André devait se courber pour passer les portes ». Show. Don’t tell.

 

Des histoires qui assument la question du point de vue, de la distance (ou pas) de la subjectivité. L’idée c’est que cette histoire particulière touche, transforme aussi bien le personnage principal du récit, que celui qui raconte l’histoire, sur scène. On aime bien le manifeste de certains nouveaux journaux anglo-saxons « transparency over objectivity ».

Quel est la place de l’auteur par rapport à ce qu’il raconte? Autrement dit, pour emprunter au langage de mai 68 : « D’où parles-tu, camarade ? ». 

 

Un ton « Le journalisme c’est 51 % de fond. 49 % de forme ».  C’est la devise de Pierre Lescure, président du festival du Cannes, monté sur notre scène.

 

Une prise de risque ll faut que le raconteur prenne un risque. Que l’on sente la sincérité, une certaine vérité, mais qui ne soit pas impudique non plus (les anglo-saxons parlent alors d’ « emotion-porn ».)

 

De la complexité, de la nuance, des détails : « Name the dog », des sensations : « Hold the baby », de la concision« Kill your babies ».  Une promesse pour le public qui a une exigence : « Make me care ». De la granularité(s’éloigner des grandes idées et des grands mots pour s’approcher du plus petit grain d’information possible). 

 

De l’humanité. Une histoire qui soit plus grande que ce qu’elle raconte, qui résonne au-delà du récit, qui soit une métaphore. Pas de biais culturel, savant, de connivence. Comme dans le cinéma ou la littérature, il ne s’agit pas de traiter un sujet, mais de dépasser le cadre et de toucher n’importe qui dans la salle.   

Mais après tout c’est notre troupe éphémère d’anciens qui en parlent le mieux:

Silvain Gire, fondateur d’Arte Radio dans Les Échos

« Ça a été une révélation. J’y ai ressenti quelque chose d’incroyable. Et fait la découverte de cette trouille délicieuse que font naître les improvisations — glissées dans un récit pourtant très écrit. Le public m’a donné des points saillants extraordinaires, m’a porté, je comprends maintenant les artistes énervants qui disent qu’ils font ça pour le public. »

 

Hélène Bekmezian, reporter politique dans Le Monde

« La force de Live Magazine, c’est qu’il vous met met face à votre public, en chair et en os, et le retour est immédiat : à l’heure où nous sommes tous en proie au doute quant à notre lectorat et au crédit que peuvent avoir les journalistes dans une société de plus en plus défiante, le Live Magazine redonne un sens à ce que nous faisons. Il nous offre la possibilité de transmettre directement l’information d’une nouvelle manière, sans filtre, sans support, mais avec notre personnalité, nos doutes, nos hésitations, bref, en l’incarnant. Et ça marche….Il n’y a pas d’enregistrement, pas de captation, tout ce que vous racontez s’envole immédiatement ; ce qui est bien pratique quand, comme moi, vous décidez de violer la loi en direct en racontant des choses que vous n’avez absolument pas le droit de raconter. Je ne peux, par définition, en dire plus ici : il fallait être là ! »

J’étais méfiante. Mon métier c’est de poser des questions et d’écrire, pas d’être sur scène. Tout y est complètement différent : j’ai utilisé le « je », la première personne, ce qui d’ordinaire est totalement exclu dans la presse française.

Anne Georget, réalisatrice de documentaires, dans L’Obs

« Il faisait chaud dans le théâtre. Sous mes yeux, les gens s’éventaient avec leur programme, c’était hypnotisant. Jean-François Pitet, qui est passé juste avant moi, évoquait la passion de Cabu pour Cab Calloway, il avait l’air très à l’aise, c’était fluide et léger. Je me suis demandé comment j’allais faire avec mes camps de concentration et mes festins imaginaires…Et puis, je suis allée chercher en moi des ressources insoupçonnées. Parce que le truc inouï, c’est l’écoute palpable d’une salle qui retient son souffle. Et ce côté “one shot” alors qu’aujourd’hui, tout est enregistré. »

Marco Longari, photographe à la l’AFP dans L’Obs

« Cette expérience m’a libéré. Je suis content d’avoir trouvé une scène où raconter cette histoire particulière, qui n’est pas quelque chose qu’on peut relater en trois mots au café. Il y avait dans ce théâtre une sacralité, une écoute et un silence impressionnants. C’était une manière de faire sortir Khaled de sa tragédie. Khaled, c’est cet homme palestinien qui rentre chez lui avec l’enfant qu’il vient d’aller chercher à la morgue de Gaza. Et c’est aussi une rencontre très personnelle. « 

Lucie Soullier, journaliste société dans Le Monde

 » Jusqu’à quelle heure peut-on décider d’abandonner ? Finalement, j’y suis allée. Et j’ai accepté qu’il y avait bien un « je » dans l’histoire que je racontais. Que cette rencontre s’était déroulée dans ma propre vie, de journaliste mais aussi de femme, qu’elle m’a imprégnée avant et après l’avoir restituée. Sur scène, une autre rencontre s’est produite. Les lecteurs avaient pris vie, riaient, bougeaient, se taisaient… Sans que je puisse me dérober à leurs réactions, sans qu’eux puissent fermer le journal ou l’onglet, zapper un passage ou quitter l’article avant la fin. Captifs ou captivés. Ah oui, l’histoire que j’ai racontée, c’est celle de Dash et de Kholio, deux jeunes réfugiés syriens, et de leur odyssée jusqu’à l’Allemagne. Vous ne saurez pas quelle part de moi j’y ai mise. Ce « je » était réservé aux six cents personnes avec qui j’ai partagé un théâtre, un soir de février. »

Céline Gautier, grand reporter à l’AJP, l’association belge des journalistes professionnels

« Les frontières du journalisme ne sont pas coulées dans le béton et c’est très bien comme ça – tant que le “contrat” avec l’audience est clair…Mais il faut insister sur la spécificité du travail journalistique en termes de recherche des faits, et dans cette perspective, Live Magazine est bien du journalisme. La force de ces propositions hybrides – entre le journalisme, le documentaire, l’essai, le reportage BD, le théâtre – nous invitent à repenser la manière dont nous transmettons l’information et de dont nous racontons les histoires. « 

C’était une belle expérience. Nous avions cette liberté absolue du fait que rien n’était capté. 

C’est une mise en danger. Je me suis retrouvée en face d’images de ma mère, de moi, que je n’avais pas revu depuis longtemps. Et les voir devant un public ça a été beau, intense, et bien plus violent de ce que à quoi je m’attendais.          

Estelle Saget, reporter société à L’Express dans L’Obs

 » Ancienne timide pathologique, incapable d’ouvrir la bouche en conférence de rédaction  j’ ai failli jeter l’éponge deux fois. Comme quelques autres participants, j’ai bénéficié, outre les répétitions habituelles, de l’aide d’Yves Heck – comédien et coach de Live Magazine depuis sa création – qui m’a aidé à sauter dans le grand bain. Pendant les quelques minutes imparties  un soir de février au théâtre de l’Atelier, j’ai raconté Michel Catalano, l’imprimeur de Dammartin-en-Goële qui a fait face aux frères Kouachi. »

Cette expérience est une manière de vivre notre métier de manière décalée, comme si on passait de la 2D à la 3D, comme si on parlait directement à nos lecteurs. C'est grisant ! 

Cela fait passer autre chose que dans un article, de l’ordre du ressenti. Un supplément d’âme.

DANS LA PRESSE

Les histoires se succèdent exactement comme on feuillette les pages d’un magazine.

 Une connexion émotionnelle entre les journalistes et le public.

 De l’univers confiné d’une rédaction à la scène éclaboussée de lumière, il y a un fossé. Pas de filet, pas de seconde chance. Les réactions se vivent en simultané. Sur scène, c’est l’insaisissable que le public recherche, l’émotion suscitée par un regard.

Dans une société défiante, Live Magazine redonne du sens au journalisme.

Du journalisme comme on l’aime, en voie de disparition.

Radical, joyeux et judicieux

Une émotion qui vous submerge sans prévenir.

Un rare moment d’humanité partagée

Le spectateur ressort la tête pleine d’histoires fascinantes, gravées dans sa mémoire.